Racisme et climat: notre auto-critique. Par Betel et Jérôme

Le dimanche 24 mars, on a merdé.  On a contribué à rendre invisible la manifestation contre le racisme.

Les faits

Le 24 mars des activistes et des acteurs connus de la société civile ont occupé la zone neutre, rue de la loi, devant le Parlement. L’objectif était de faire pression sur les députés pour qu’ils votent la loi climat quelques jours plus tard.

Avec Tout va bien, nous étions évidemment présent.e.s pour couvrir l’action via un Facebook live notamment. Et au-delà de ça, plusieurs membres du collectif étaient impliqué.e.s à titre personnel dans l’organisation d’occupy for climate.

Le même jour, il y avait également une manifestation contre le racisme organisées par des associations de lutte contre le racisme, principalement des associations de personnes racisées, directement concernées par la thématique. Cette manifestation n’a pas été couverte par Tout va bien. Pourtant, la lutte contre le racisme nous semble tout aussi importante que celle contre le réchauffement climatique et des membres du collectif étaient également présent.e.s lors de la manifestation.

Auto critique

Ce dimanche-là, nous avons ainsi participé à l’invisibilisation de la manifestation contre le racisme, prévue depuis des mois. Il nous semble important de le dire et de faire une autocritique de notre média pour rester cohérent.e.s avec notre ligne éditoriale.

Nous aurions dû couvrir les deux événements. Nous aurions dû montrer les liens entre la lutte pour le climat et les luttes antiracistes et décoloniales. Lorsque nous couvrions Occupy for climate, nous aurions dû parler de l’action contre le racisme qui a eu lieu le même jour.

Malgré les apparences, aucun.e d’entre nous ne veut hiérarchiser les luttes. On croit plutôt à ensemble complexe de mécanismes imbriqués les uns aux autres.

Du coup, si on fait cette vidéo aujourd’hui, c’est pour vous parler de nos questionnements et de ce qu’on a remis en questions lors d’échanges en interne.

Analyse sur l’action

Il ne s’agit pas ici de remettre en cause la pertinence de l’action. Il s’agit de mettre en exergue que encore une fois, la lutte contre le racisme est passé au second plan. Mais le problème est plus large…

Encore une fois, les personnes racisées, minoritaires, ont vu leurs réalités, leurs vécus passés au second plan à cause, en partie, d’une lutte majoritairement occupée par des personnes ayant un accès aux ressources médiatiques et politiques plus évident.

En gros, force est de constater que la lutte climatique est actuellement portée par des personnes blanches, de la classe moyenne, majoritairement diplômés d’écoles supérieures, notamment.

Alors que de l’autre côté, la lutte contre le racisme est portée par des personnes racisées qui ont justement une difficulté d’accès aux médias et aux politiques. Faire l’action Occupy for climate le même jour que la manifestation contre le racisme, ne couvrir qu’une seule des deux actions, ou encore ne faire aucun lien entre les deux… C’est l’illustration d’une reproduction d’un rapport de domination.

Analyse plus globale

L’action d’occupy for climate fait partie de ces actions mises en place dans l’urgence et dans un souci d’efficacité. Le problème, c’est que l’urgence est un concept clairement situé, en fonction de ce qu’on vît et de qui on est.

La lutte contre le racisme pour les personnes qui le vivent quotidiennement c’est aussi une urgence et une priorité.

JRemplir le frigo, à la fin du mois, pour d’autres, ou parfois pour les mêmes, c’est une autre urgence.

Le sexisme, l’homophobie, le validisme, sont d’autres urgences. Ces luttes ne se hiérarchisent pas, elles se croisent et peuvent se renforcer entre elles.  

Aujourd’hui, il commence à être acquis que climat et justice sociale c’est le même combat. Mais ça reste un choix politique de mettre les deux ensembles. On pourrait très bien avoir un Etat qui ne s’occupe que du climat et pas du social et inversement.

Ca doit donc être un choix politique que d’intégrer les autres champs de luttes dans nos combats en même temps. Pourquoi ? Prenons le capitalisme, par exemple. Rien ne dit que si on sort du capitalisme demain on ne reproduira pas des rapports de domination qui existent aujourd’hui et contre lesquels on se bat déjà. La patriarcat ou le racisme, par exemple. Or, ce vers quoi on doit tendre : c’est la fin de toutes les dominations.

C’est d’autant plus important sur la question climatique parce que les premières victimes du réchauffement climatique seront les personnes les moins privilégiées de notre société : les plus précaires, les personnes racisées, les femmes, les personnes en situation de handicap, etc. Cela se manifeste déjà comme ça dans les pays du sud.

Comment ?

Alors, d’accord, dans la pratique, c’est pas évident.

On le dit d’autant plus facilement qu’on est loin d’être parfait à ce niveau là.

Tout d’abord, c’est difficile de parler de réelle convergence des luttes si les personnes qui ont une position de pouvoir n’ont pas conscience de leurs privilèges. Et les privilèges, nous en avons tous et toutes. Quand on en a pris conscience, il y de la place à laisser à d’autres.

Ensuite, certes on ne peut pas être toutes et tous sur tous les champs de luttes en même temps. Mais on peut être alliés, solidaires, se rencontrer autour de nos agendas respectifs, se renforcer mutuellement, au-delà des urgences.

La convergence des luttes ne peut pas être dictée par une majorité au bénéfice de cette majorité. Une réelle convergence aura intégré les diverses luttes dans nos pratiques quotidiennes, dans nos discours, dans nos combats.

Laisser un commentaire